Histoire

Silana a eu une enfance relativement tranquille.  Ses parents étaient un couple particulièrement amoureux, sa mère une jolie lapine et son père un lièvre puissant et athlète. Ils s’étaient installés très jeunes ensemble, vivant une parfaite idylle à deux. Ils s’occupaient d’un petit champ, étant totalement autonomes.
Ils accueillaient régulièrement d’autres isards, qu’ils soient messagers, voyageurs ou là pour faire du troc. Tout allait donc à merveille.

Ce bonheur à deux se transforma rapidement en bonheur à plusieurs. Ils eurent un premier enfant, puis deux et ainsi de suite. Silana était la 4ème avec sa jumelle, sur 10 enfants. Une fratrie nombreuse et joyeuse, profitant de la vie. Les parents étaient particulièrement heureux d’avoir une telle famille et de réussir à subvenir à leurs besoins...car même s’ils n’en parlaient pas, ils avaient eu des décès parmi leurs enfants. Des morts nés, des enfants décédés nourrissons…

En attendant, Silana et Salina, les deux jumelles jouaient toujours ensemble, fourrées à droite et à gauche, insouciantes de la vie et de ses dangers. Lors de leur sortie quotidienne, elles ramenaient toujours à la maison le plus beau souvenir qu’elle trouvait : un caillou, un coquillage, une fleur et le posait aux pieds du petit autel créé par leurs parents et mis dans le jardin, permettant à n’importe qui de s’arrêter pour y prier.
La famille était très croyante et les jumelles voyaient cela comme un jeu au départ. On leur avait dit « ramenez toujours un cadeau à Isilar et Isaria pour les remercier » donc elles remerciaient. Et très souvent, c’était d’avoir pu s’amuser toute la journée.

Lorsqu’elles furent assez âgées aux yeux de leurs parents, elles durent commencer à garder les plus petits puis aider aux champs. Leurs heures de jeux diminuaient drastiquement de mois en mois.  Silana était très proche également de Eilinel qui avait 13 ans de moins qu’elle. Dès que la petite sut marcher, elle la suivait partout ou était sur son dos. L’ado ne pouvait pas faire un pas sans entendre derrière elle « Si’a », ce qui avait le don de fortement l’agacer.

Lorsqu’elle eut ses 15 ans, la vie de Silana fut totalement bouleversée. Elle travaillait dans les champs avec Eili à côté d’elle. Mais à un moment, elle entendit un cri qui lui vrilla les tympans. Inquiète, elle resta figée un instant, le temps de remarquer que Eili se précipitait vers le bruit. Elle suivit le mouvement mais entendit rapidement comme un grondement de tonnerre. La voix de son père résonna alors, leur ordonnant de fuir.
Elle ne comprit que trop tard, lorsqu’un Calarus fendit les hauts champs devant elle, lui fonçant droit dessus. Sauf que entre eux deux, il y avait Eili. Elle lui intima de courir et se précipita pour la protéger. Elle se jeta sur la bête pour la détourner de sa trajectoire. Elle ne se souvient pas vraiment de la suite, le combat fut acharné.

Elle ne se réveilla que des jours plus tard, sur un lit moelleux et inconnu mais surtout, des bandages partout. Elle gémit de douleur en tendant de se redresser, ce qui fit aussitôt venir un isar totalement inconnu, avec des oreilles de félins haut perchés sur la tête. Il lui annonça qu’elle était à Isaria, qu’elle avait été trouvée et amenée jusque là pour recevoir des soins. Mais Silana voulait savoir où était sa famille. Elle comprit aussitôt lorsque les oreilles de l’homme se baissèrent. « Morts ». Ce mot résonna inlassablement dans sa tête jusqu’à ce qu’elle comprenne. Elle se mit à hurler. A pleins poumons. A ce moment, Eilinel déboula dans la chambre et se réfugia dans ses bras en répétant inlassablement son prénom.

Elle ne comprit que plus tard que Eili était la seule survivante grâce à elle. Le reste de sa famille ainsi que leur maison avait été écrasées ou déchiquetées par le troupeau de Calarus qui fuyaient des prédateurs. Quelqu’un osa même lui dire que ce n’était pas étonnant...A vivre seuls dehors. Ce fut la seule fois où elle s’énerva réellement, lui collant une belle baffe tout en l’insultant. Par la suite, elle se referma sur elle-même, considérant qu’elle devait à tout prix protéger Eili.
Surtout qu’elle devait apprendre à vivre avec les résultats de l’attaque du troupeau, son œil ne voyait plus, l’adaptation fut compliqué au départ.

Elle tenta alors de partir d’Isaria, ne sentant pas à l’aise dans cette ville et emmena Eili. Toutes deux voyagèrent un temps, sans avoir de destination précise. Elles se nourrissaient de fruits et légumes trouvés ici et là mais rapidement, la faim se fit sentir. Sa sœur pleurait tant son estomac était affamé. De nombreuses fois, Silana dut fuir en la portant car ses pleurs attiraient des prédateurs.
Au bout de plusieurs mois d’errance, elles tombèrent sur un petite hameau habitant des rongeurs. Les familles les acceptèrent rapidement, leur fournirent un repas et un repos bien mérité. Dès le lendemain, Silana proposa son aide et moins d’une semaine après, elles habitaient pour de bon sur place. Après tout, Silana connaissait le métier de fermier puisqu’elle aidait ses parents. Elle essayait de rendre heureuse sa petite sœur, de lui permettre d’avoir une enfance joyeuse et si possible, de lui faire oublier les traumatismes passés…

De son côté, elle ne pouvait oublier et pourtant, des années après, quelque chose vint de nouveau bouleverser leurs vies. Un isar lapin et sa troupe fut hébergé par la ferme, comme cela était souvent le cas. Mais lui était différent. Il se montra aussitôt charmeur, séducteur...Elle résista. Ce n'était pas le moment d'avoir des amourettes, sa sœur comptait sur elle. Et puis, une idée germa dans son esprit. Accepter, épouser cet homme pour obtenir une protection parfaite pour sa sœur.
Alors que son séjour touchait à sa fin, elle lui fit cette proposition et il accepta. Il adopta même Eilinel comme sa propre fille !

Elle a désormais 20 ans et presque chaque nuit, elle fait des cauchemars plus ou moins horribles. Elle sourit devant Eili, ainsi que devant son futur époux et sa famille pour ne pas les inquiéter, ils ne devront pas savoir. Jamais. Et elle fera tout pour le satisfaire, ne disant jamais non.
En attendant, elle passe son temps à être aux aguets. Au cas où. Cela ne devait plus jamais arriver !